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Questions sur le Zen Extraits
d’un entretien avec Maître Kidô Inoué (juillet 2005) - traduction Katsuzan
Itoh
[…] Questions et Réponses Q:
Fondamentalement, comment peut-on dissoudre les racines des illusions et du
mal ? R:
Ôtez
l'ego et l'écart.
C'est-à-dire
surpassez l'ego. Q:
Alors comment peut-on ôter
l'ego et l'écart? R:
On retrouve l'état
antérieur
à
la connaissance
par l'acte intellectuel. Maître
Dogen a dit : « Arrêtez
vos pensées,
et n'essayez pas de mesurer les mouvements de vos pensées ». Maître Joshu a
dit : « Cessez de raisonner votre cœur ». Q:
Comment retourner avant la connaissance alors que l'intellect, la conscience
et le cerveau sont constamment stimulés? R:
Il faut s'apercevoir tout de suite du véritable instant-présent avant que les
pensées
apparaissent, l’instant-présent sans passé ni futur. Le vrai shugyô (entraînement) commence
par là.
Donc, il faut écarter
les mots et les concepts, c'est-à-dire ne pas penser. Ne pas laisser le
cœur
se diluer. Pour cela, le cœur
doit se concentrer sur un seul point, et ne doit pas se disperser. Q:
Comment peut-on écarter
et oublier les mots et les notions ou les concepts que l'on a appris? R:
On va ‘seulement’ laisser opérer
naturellement les yeux et les oreilles. Bref, ‘seulement’ voir, ‘seulement’
entendre. Vous devez vous consacrer entièrement à l'instant-présent et cesser tous les actes mentaux comme les idées décousues, les
mots, les images et les sensations.
S'ils apparaissent, il faut les couper tout de suite et produire les
efforts nécessaires pour revenir à
l'instant-présent ; rien d'autre. Q:
On ne peut absolument pas arrêter
l'acte mental par la conscience et l'intellect. Comment y parvenir par le shugyô?
Quelle est la méthode
la plus efficace? R:
Dans une pièce
calme, on ne fait rien par le corps ni l'esprit, on laisse seulement aller
naturellement 'ima', 'ima' (l'instant-présent). Q:
Dans la pratique, on est importuné par les zatsunen (les idées
décousues)
et les illusions; c'est difficile. N' y a-t-il pas moyen de maîtriser les zatsunen et les illusions? R:
Il faut se concentrer entièrement
sur un seul point. Dans le dojo, on doit s'assimiler entièrement à sa respiration. Q:
Pourquoi peut-on maîtriser
les idées
décousues
et les illusions en répétant les
respirations dans un endroit calme? R:
D'ordinaire, on a un but, et on agit un conséquence, afin d’obtenir le résultat
recherché.
L'esprit ne cesse, très
naturellement, d’émettre
des hypothèses,
puis de travailler méthodiquement selon tel ou tel processus. Alors que le
corps reste bien présent,
ici et maintenant, dans la réalité de chaque moment présent,
l'esprit ne cesse de vagabonder pour extrapoler, supposer etc. En réalité, il est
constamment stimulé
par la comparaison entre toutes les choses, par la discrimination du bien et
du mal, l'intérêt ou désintérêt, le goût ou le dégoût, etc. Pour
rendre l'esprit plus stable, il faut tant que possible cesser de le stimuler.
Le mieux, c'est de ne pas se fixer de but ou d’objectif, et de ne pas
recourir à
l'esprit. Ainsi, on s'installe dans un endroit calme et on ne fait que
respirer, rien autre. Si l'on fait une chose simple sans penser à rien,
simplement, sérieusement,
l'acte intellectuel, la manipulation des notions, les pensées décousues se
calment, se stabilisent. Q: Que va-t-on ressentir, si les
pensées
décousues
et les illusions se calment?
R:
Si la vague se calme, on peut voir
clairement le fond et tous les paysages se reflètent tels qu'ils
sont. Autrement dit, on se voit soi-même plus clairement et l’on voit les
choses simplement telles qu'elles sont. Q: Que
signifie, voir les choses telles qu'elles sont?
R:
On les voit clairement telles qu'elles sont, sans recourir à la raison. Q:
Comment est-ce, lorsque l’on voit sans utiliser la raison? R:
Jusqu'à
présent,
lorsque l'on voit, des pensées
décousues
et des illusions s’intercalent entre la chose et soi et notre regard ne nous
renvoie dès
lors qu'une image instable de cette chose. Mais lorsqu'il n'y a plus d'intermédiaire, on
perçoit
directement cette chose en nous. […] Q:
Est-ce que le Satori calme complètement l'état mental? R:
Lorsque l'on voit, il n'y a pas d'une part, la chose que l'on voit, d'autre
part, le soi qui voit. C'est cela la vue véritable dans l'instant-présent.
D’ordinaire, les impuretés
de l'eau souillée
se déposent
au fond du seau, mais quand il bouge, elle se brouille comme avant. On est
loin du Satori puisque l'on est perturbé et que l'on souffre. Q:
Qu'est ce que le Satori? R:
Le seau rempli d’eau impure, c'est le soi captif. Le soi retient l'eau impure
comme le seau : c'est l'état
d'esprit ordinaire. Si l'on jette le soi, on n'est plus abusé par l'image
trompeuse à
sa surface. Oublier le soi. Bref, lorsque l'on voit véritablement,
il n' y a pas de distinction entre ce que l'on voit et le soi qui voit. Aucun
obstacle au regard ne surgit. C'est le Satori. Q:
Que signifie : sans le soi? R:
Oublier le corps et le cœur.
'Ima' (maintenant). 'Tada' (seulement). La chose elle-même. Q:
Que signifie : 'ima', 'tada', la chose elle-même? R:
Quand on voit, on voit ; seulement. Quand on marche, on marche ;
seulement. Comme il n'y a plus que 'ima'
pour l’être tout entier, on oublie le corps et le cœur, et ils
disparaissent. Q:
Tout compte fait, peut-on dire que si l’on s'applique à faire zazen
avec ardeur, on oublie le corps et le cœur naturellement? R:
C'est ça. Q:
Que devient-on si l'on se consacre à faire zazen? R:
On devient seulement zazen si l'on se consacre à faire zazen. Si on devient seulement
zazen, on oublie que l'on fait zazen et le soi faisant zazen disparaît. Il n'y a
que 'ima' (maintenant) ; pas
de temps. Comme le soi faisant zazen disparaît, l'espace disparaît aussi.
Zazen et le monde ne font qu'un. Q:
Comment est-ce, si l'on fait zazen? Il n'y a plus de distinction entre zazen
et le soi? R:
Il faut faire beaucoup d'efforts pour y parvenir. On peut l’expliquer
ainsi : parce qu’on n'a pas besoin de penser quand on ne fait rien, le cœur est véritablement
calme. Il n'y a plus d'actes intellectuels ou mentaux. Ainsi, comme on ne
prend pas conscience du soi, il n'y a plus de soi captif et hésitant. On
est à
l'aise, naturel. Grâce à 'ima', 'tada', et la chose elle-même, on est parvenu à une stabilité complète.
Selon Maître
Dogen, « Zazen, ce n'est pas apprendre quelque chose, c'est seulement la
porte aisée
du Dharma. » Mais à
moins d'ôter
le pli des pensées
qui nous parcourent, le cœur
ne se calme pas. On a donc besoin de se consacrer à la respiration pour connaître au plus
vite l'état
sans pli. Q:
Si tous les actes intellectuels et mentaux s'arrêtent, ne
va-t-on pas à
l'encontre de la vie sociale ? Que deviennent les sens et les
perceptions? R:
Les sens et les perceptions fonctionnent normalement. Comme l'attachement
s'est tout à
fait résolu,
on est libéré
de son joug, dans l'état
stable quoi que l'on voie, quoi que l'on entende. Puisque l'on ne fait rien,
on n'a pas besoin d’actes intellectuels et mentaux. C'est plutôt l'intellect
qui flotte qui est à
la source des problèmes
en société. Ainsi nos
sens et nos perceptions ne s'attachent pas à l'information inutile, ils sont clairs
naturellement. De ce fait, on peut accomplir toute chose très simplement
sans hésiter
et calmement. Puisque l'on ne pense rien pour soi-même ou pour autrui, il n'y
a plus de question d'intérêt, c'est
l'acte pur et sans ambiguïté. On dit que
c'est 'bussa boutsugyô'.
C'est l'homme vertueux. Autrement dit, 'ima'
(maintenant), on se coule simplement dans son destin ('en') et on finit sans laisser aucune trace. C'est le Dharma tel
qu'il est. C'est l'état
de Bouddha. Q:
D’un point de vue scientifique, on peut dire que ce monde obéit
incontestablement à
la causalité.
Le monde d'aujourd'hui procède
de la masse des causes d'hier: il en résulte. Tout le monde sait que c'est la
loi pure et universelle de la nature. Obtenir le Satori, est-ce que c'est
bien comprendre que dans la loi de la grande nature, il n'existe jamais réellement
d'opinion personnelle ni de valeurs? Est-ce que l'on surpasse ainsi le soi
captif des choses auxquelles il s'attache? Et lorsqu’on l'a vraiment surpassé, peut-on
connaître
le monde pur et naturel? R:
C'est ça.
Donc, on se consacre à
faire zazen, on se détache
du soi captif des choses et l’on devient 'le pur corps-esprit'. À ce moment,
on devient l'Homme dans le monde pur. On dit que l'on peut distinguer
clairement le passé
de maintenant (ima) et la vérité de la
notion, sans tomber dans un état
de confusion. Dès
lors, on ne rencontre plus de problème. On dit que cette distinction ou
cette limite, qui fait apparaître clairement la réalité immédiate, est l’état
de parfait détachement ou Gedatsu, et le Satori. Q:
Peut-on dire qu’entre le monde réellement offert à notre vue et celui propre
à la notion d’informatique par exemple, on retrouve cette même différence,
qui soustrait la réalité à son image trompeuse ? R:
C'est ça.
La grande conscience de soi, c’est parvenir à s'éveiller au moment où l'on a
compris cela et où
l'on réalise
en même
temps que l'on s'était
laissé
abuser et perdre par les aspects trompeurs du monde. Q:
Pour gedatsu et le Satori, en bref, est-ce la règle
inflexible que l'on se consacre entièrement à l'instant-présent? Est-ce en
s’oubliant soi-même
que l'on peut faire zazen, en s'assimilant purement et simplement au zazen
pur que l'on peut gagner la pureté? Le pli de l'esprit tombe-t-il lorsque
l'on devient pur? R;
C'est ça.
Si l'on s'applique à
faire zazen au risque de sa vie, on s’y consacre rapidement. C'est la même chose que
si l'on fait tourner le centrifugeur à grande vitesse, on peut séparer le
corps étranger
et l'extraire vite. Sans mélange,
on devient pur et la chose elle-même naturellement. Zazen est zazen. C’est la pureté elle-même depuis le
commencement. Donc, c'est mieux de devenir zazen lui-même, mais on
ne peut pas y parvenir tout d'un coup. C'est à cause du pli de l'esprit, qui crée et
creuse l’écart entre le zen et le soi. Autrement dit, on ne peut pas devenir
la chose elle-même
car il y a un écart
entre le corps et l'esprit. Le but de zazen est zazen. Le résultat de
zazen est zazen. Donc, c'est mieux de faire seulement zazen. Lorsque l'on
devient le zazen lui-même,
on ne s'attache jamais. En s'éveillant
à
l'instant-présent (ima), on abandonne le soi qui nous égare. On peut
dire que tout le passé,
les informations, les mots, les notions ou les concepts, les images tombent
et disparaissent. À
ce moment précis, on comprend que le véritable instant-présent (ima) est vide
(kû).
C'est gedatsu (un état
de parfait détachement).
On s'assimile à
l'univers. Q:
Si tout le passé,
les informations, les mots, les notions, les images tombent et disparaissent,
fonctionne-t-on encore comme un être humain? Qu'adviennent l'intellect et la
culture mentale? R:
On ne perd pas les choses que l'on a connues par l’expérience comme la mémoire du passé et les
informations, les connaissances, la culture. On n’emploie plus les données que pour
juger selon les besoins […]. Une fois la
conclusion tirée, on n’a plus besoin de l’information, qui se dissout
immédiatement : c’est ainsi que l’on est clair. C’est l’esprit naturel,
très concret. En revanche, si l’on ne sait pas distinguer le passé de
l’instant-présent (ima) et tirer une conclusion claire, on se soucie de
l’autre choix, en raison de l’attachement.De ce fait, on manque de confiance
en soi. Voilà le shugyô vivant et grandiose ! C’est l’état merveilleux
de l’âme ! Il est inaccessible pour celui qui s’attache à la raison.Si
l’on parvient à la pensée pure sans attachement, on tombe naturellement
d’accord sur la conclusion pure. En cas d’accord, il n’y a pas de conflit
d’opinion. Plus de conflit ! Pour autant, les fonctions de la mémoire et
l’intellect ne s’affaiblissent pas. Toutefois, l’on s’aperçoit que la
structure mentale est en proie à de grands changements ; car on devient le pur corps-esprit, guéri de tous
les symptômes. […] |
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